Il existait autrefois à Châteauneuf-sur-Cher une église sur laquelle on a construit l'actuelle Basilique Notre-Dame des Enfants à la fin du XIXe siècle. Il en existe peu de représentations, mais voici à quoi cette église ressemblait.
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E.-G. HERVET, Notre-Dame des Enfants, histoire de l'église de Châteauneuf-sur-Cher et de l'archiconfrérie de Notre-Dame des Enfants, Paris, Pierre Téqui, 1896, p. 15
(source : Gallica/BnF) |
La première église détruite par les protestants
Voici ce que l'on apprend dans l'ouvrage où se trouve cette gravure. En 1569, des combats opposent à Châteauneuf les catholiques et les protestants. Ces derniers avaient supprimé "l'église Saint-Pierre, la seule que possédât Châteauneuf. Il la saccagea et la pilla. Elle fut, par son ordre, complètement démolie ; il n'en resta pas pierre sur pierre. On n'a pas d'indices sur le dessin de cet édifice disparu. Il est néanmoins permis de supposer qu'il n'était pas sans valeur, car les moines qui le construisirent étaient de remarquables artistes." [1] La Thaumassière parle également de ces combats dans ces termes : "La Ville fut prise, pillée & brûlée, & notamment l'Eglise de S. Pierre, par les heretiques le Dimanche 20. de Novembre 1569. le Capitaine qui commandoit dans la Ville, nommé le S. de la Fontaine, tué."[2]
La construction d'une nouvelle église
Une fois le calme revenu dans la ville, il fallait construire une nouvelle église pour Châteauneuf. "Une église nouvelle s'éleva sur les ruines de celle qui venait d'être renversée ; mais elle fut aussi simple que possible, médiocre même. Il est évident que nos ancêtres de cette période inquiète ne croyaient bâtir qu'un édifice provisoire : c'était pour satisfaire à bref délai aux besoins du culte ; ils gardaient l'espoir d'avoir plus tard, lorsque les temps seraient moins durs, bientôt peut-être, un autre monument, plus beau, mieux en rapport avec sa sainte destination. Cette église, improvisée à la suite de la catastrophe sacrilège de 1569, était mise, comme sa devancière, sous l'invocation de saint Pierre. Elle fut consacrée, le 6 avril 1588, par Mgr Renauld, archevêque de Bourges, comme l'atteste une inscription écrite en latin sur une feuille de parchemin qui fut déposée dans la construction de l'autel et que nous traduisons ainsi : "En l'année du Seigneur 1588, le sixième jour du mois d'avril, Je, Renauld, archevêque de Bourges, Patriarche d'Aquitaine, ai consacré cette église et l'autel en l'honneur de saint Pierre, et enfermé dans ledit autel des reliques de saint Clément, saint Jacques et saint Symphorien." Signé : RENAULD, archev." [3]
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N. MERCIER, Renaud de Baune, évêque de Mende en 1668
(source : Archives départementales de la Lozère - 2 Fi 161) |
Les reliques de l'ancienne église
L'ancienne église de Châteauneuf abritait donc les reliques de trois saints : Clément, Jacques et Symphorien. Lorsqu'en 1872, l'abbé Ducros fait démolir le maître-autel au moment de bâtir la nouvelle basilique, il rédige ce rapport concernant les reliques qu'ils découvre à l'intérieur.
"J'ai cependant soupçonné qu'il [l'autel] pourrait encore renfermer des reliques, et en examinant au milieu, j'ai aperçu du ciment rouge. J'ai enlevé le ciment, et j'ai sorti de l'excavation pratiquée dans la pierre un sachet en toile blanche lié avec un fil qui a disparu sous mes doigts, en poussière. Le linge, grand et double comme celui d'une pale, était assez conservé. Je l'ai ouvert ; il renfermait des reliques" [4]. "Celles de saint Clément, composées de cinq parcelles d'os, assez grosses, étaient enfermées dans du parchemin où se trouve une inscription assez illisible, en écriture gothique ; j'ai cependant pu y lire ces mots : Reliquioe Sancti Clementis Papoe, primi ..."
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The Chevalier Artaud de MONTOR, The lives and times of the popes including the complete gallery of the portraits of the pontiffs, New York, The Catholic Publication Society of America, 1911, p. 17
(source : archive.org) |
"Celles de saint Jacques le Majeur, consistant aussi en cinq parcelles d'or, enfermées dans un morceau de soie jaune, et ayant cette inscription sur un petit parchemin : Reliquioe Sancti Jacobi majoris."
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Albrecht DÜRER, Apostel Jakobus, 1516
(source : domaine public, via Wikimedia Commons) |
"Celles de saint Symphorien, enfermées et cousues dans un morceau de soie violette, avec cette inscription sur un parchemin : Ex ossibus sancti Symphoriani martyris."[5]
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Daniel HALLÉ, Le martyre de Saint Symphorien, 1671
(source : Pascal3012, licence CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons) |
Description de l'ancienne église
"Ceux qui bâtirent cette église de 1588, procédèrent de la façon suivante : Ils construisirent, parallèlement au mur d'enceinte de la forteresse, un autre pan de muraille, sur une longueur égale à celle qu'ils voulaient donner à l'édifice. Sur ces deux murailles, ils jetèrent de longues poutres de chêne, coupées dans les immenses forêts voisines. Chaque extrémité de ce vaste hangar fut close par un pignon formé d'une maçonnerie banale. Le tout était surmonté d'une toiture en tuiles. Deux portes d'inégale grandeur furent percées dans le pignon occidental. Le pignon oriental eut deux hautes fenêtres. Quatre ou cinq fenêtres furent en outre pratiquées dans la muraille nouvellement construite, celle qui était à droite en entrant, et dont quelques contreforts augmentèrent la solidité. De ce même côté, et dans le coin du pignon servant de façade, se logea un clocher à base carrée, avec un toit en poivrière très élancé. Une telle construction était loin d'être monumentale ; le temps manquait pour faire mieux, comme on l'a dit, et sans doute aussi, les moyens faisaient défaut : c'était un simple abri en attendant un édifice ; c'était en un mot une église provisoire. Mais le provisoire dure parfois longtemps ; les circonstances firent qu'à Châteauneuf, il subsista pendant près de trois siècles."[6]
Ces propos, fortement négatifs, sont à prendre avec recul car ils sont tenus dans un ouvrage faisant l'apologie de la nouvelle basilique, devant donc montrer en comparaison une église de moindre qualité qui lui aurait précédé.
"L'aspect intérieur était celui d'une grange trop étendue. L'agencement et le mobilier révélaient seuls un saint temple, et rarement le Seigneur a été logé aussi misérablement. A droite, en entrant, s'apercevaient les fonts baptismaux, dans un coin sombre, derrière une lamentable clôture à claire-voie. Plus loin, toujours à main droite, et en avant de l'espace réservé pour le choeur, une ouverture désignait une sorte de cabinet où était installée la chapelle de la sainte Vierge. En face de cette chapelle se trouvait, à une certaine hauteur, une tribune pratiquée en profondeur dans la muraille de gauche, pour la famille châtelaine. Le maître-autel, appuyé au centre du pignon oriental, était en bois peint. il affectait la forme tumulaire, qui fut longtemps usitée. Au-dessus se voyait un tableau où un artiste inconnu avait représenté, dans la profonde nuit de la Passion, saint Pierre, le patron de la paroisse, écoutant avec stupeur l'avertissement du coq et se souvenant alors de la parole du Maître. De chaque côté étaient dressés deux petits autels d'une simplicité excessive. Le choeur, exhaussé d'un degré, se délimitait par une grille de bois teintée en gris. Des "hauts-bancs", formés de planches sans aucun ornement, l'encadraient. Les hommes les plus notables de la paroisse y avaient leurs places. Quatre rangs de abncs fermés occupaient l'espace compris entre le choeur et l'entrée de l'église. Un grand crucifix en plâtre peint faisait face à une chaire qui était l'ouvrage de quelque menuisier totalement étranger aux règles de l'art." [7]
Un autel à la Vierge Marie
La dévotion mariale est très forte en Berry. La basilique qui remplace l'ancienne église Saint-Pierre est dédiée à Notre-Dame des Enfants. Le 3 juillet 1732, lors de la visite de l'Archevêque de Bourges (Frédéric-Jérôme de la Rochefoucauld de Roye),
"est consignée l'existence d'un autel dédié à Notre-Dame de Pitié dans l'ancienne église de Châteauneuf"[8].
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Claude Olivier GALLIMARD, Fridericus Hjeronymus de Roye Rupifucaldus |
[1] E.-G. HERVET, Notre-Dame des Enfants, histoire de l'église de Châteauneuf-sur-Cher et de l'archiconfrérie de Notre-Dame des Enfants, Paris, Pierre Téqui, 1896, p. 9
[2] Gaspard THAUMAS de la THAUMASSIÈRE, Histoire de Berry, Bourges, François Toubeau, 1691, p. 719
[3] E.-G. HERVET, Notre-Dame des Enfants, histoire de l'église de Châteauneuf-sur-Cher et de l'archiconfrérie de Notre-Dame des Enfants, Paris, Pierre Téqui, 1896, pp. 10-11
[4] Ibid., p. 12
[5] Ibid., p. 13
[6] Ibid., pp. 14-17
[7] Ibid., pp. 18-19
[8] *, Le culte de la vierge en Berry, Châteauneuf-sur-Cher, Éditions Cap Theojac, p. 2